« L’hygiène naturelle infantile et féminine » in Grandir Autrement Hors-série n°12 Do It Yourself du maternage, décembre 2018

La norme en France est le port de couches pour les bébés et bambins ainsi que celui de protection hygiénique, tampon ou coupe menstruelle pour les femmes lors de leurs menstrues. Ces habitudes, culturelles, dénotent notre incapacité à penser les bébés et bambins comme des êtres capables de communication concernant leurs besoins d’élimination, ainsi que notre incapacité à nous penser, nous parents, comme capable de sentir, observer et anticiper ces mêmes besoins et leur proposer des réponses adaptées. Ces us et coutumes montrent également l’idée que les femmes ne peuvent pas non plus sentir leur sang menstruel couler ou l’anticiper. Bébés et femmes n’auraient aucun rôle à jouer et ne pourraient « vivre sans couches ». Pourtant, nombre de sociétés fonctionnent autrement. Nous sommes capables de bien plus que ce que nous imaginons. Nous avons oublié ce que notre sensibilité nous permet, notre capacité à communiquer finement avec nos bébés ou avec nous-mêmes et pourtant… Certaines personnes choisissent l’(auto)écoute et la reconnexion : elles pratiquent l’hygiène naturelle infantile (HNI) ou le flux libre instinctif (FLI).

Vers des pratiques écologiques

Les couches, protections hygiéniques et tampons sont toxiques. Leur fabrication coûte énormément d’énergie. Ils génèrent de nombreux problèmes de santé et une quantité de déchets absolument effarantes. Leur utilisation à l’échelle individuelle n’est pas soutenable, voire insoutenable. Cette conscience pousse les parents et les femmes à utiliser des protections plus écologiques tels que les couches ou serviettes lavables ou encore les coupes menstruelles. Dans des matières non toxiques, et réutilisables, leur empreinte écologique est bien moindre. Si les protections lavables peuvent être achetées dans le commerce, leur coût reste non négligeable. Il est alors possible de les fabriquer soi-même à partir de matières premières. On peut trouver différents patrons de couches et protections féminines DIY sur Internet.

Qu’elles soient néfastes pour la santé et l’environnement ou plus soutenables et respectueuses des corps, l’utilisation des protections peut impliquer insidieusement une déconnexion de ses sensations. Elles deviennent comme des béquilles palliant nos capacités oubliées. En cela, on pourrait malgré tout, dans une moindre mesure bien sûr, les considérer comme anti écologiques au sens où la relation à sa progéniture ou à soi serait perturbée. Pour rappel, est écologique ce qui prend soin des relations, au monde, aux autres ou à soi considérant que la qualité des relations permet diversité et résilience. Dès la prise de conscience de cet oubli de notre pouvoir d’agir et de vivre notre physiologie naturellement, il est possible – et la plupart du temps satisfaisant – de se reconnecter à son bébé ou à son propre corps, et ce, qu’on utilise des protections « au cas où » ou pas du tout.

Observer et sentir

La considération des besoins d’élimination des bébés en tant que tels ainsi que la possibilité de communiquer avec eux pour leur proposer une solution agréable -soit faire leurs besoins ailleurs que sur eux- est appelée hygiène naturelle infantile (HNI). Considérer qu’une femme peut sentir ou anticiper la coulée de son sang menstruel pour aller se soulager aux toilettes est appelé flux instinctif libre (FLI). Ces deux « méthodes » consistent à garder ou recouvrir ses sensations et sa conscience du processus physiologique en train de se faire. Bébé sent qu’il se passe quelque chose, une sorte de gêne peut-être, puis un relâchement et enfin un liquide chaud s’écoulant. Les couches peuvent nuire à l’association des ces deux sensations successives. Alors que bébé écoute la première sensation, voire la communique, il risque de la perdre en n’y portant plus d’attention, d’autant plus d’ailleurs que les couches utilisées sont absorbantes et annule la sensation mouillée. Répondre aux besoins d’élimination de l’enfant c’est lui permettre, dès la naissance, de renforcer la communication. En tant que parents maternants, nous savons et avons appris que nos bébés sont capables de communiquer leurs besoins : de téter, de contact, de chaleur, de mouvement. Nous savons que les signes sont parfois très faibles, mais pas moins signifiants. Sans réponse appropriée, ils augmentent jusqu’aux pleurs. Les pleurs sont alors le signe que la communication fine a échouée. Nous savons également que, souvent, si on laisse nos bébés pleurer, ils finissent par se résigner, concluant que personne ne viendra les porter ou leur donner à manger. Certains bébés sont plus insistants que d’autres, certains ne se résignent jamais. Pour ce qui concerne les besoins d’élimination, il en est de même. Parce que nous n’avons pas l’idée que nos bébés peuvent aussi les communiquer, nous n’y répondons pas, considérant les signes ou pleurs comme inexpliqués, sans raison apparente. De plus ces signaux durent souvent peu de temps puisque le soulagement est, en fait, lié au pipi relâché qui ne peut pas ne pas être. Il est souvent nettement plus simple d’associer certains signes aux selles en train d’arriver : sourcils qui rougissent, air de concentration, yeux grands ouverts, poussées, etc. Qui n’a pas su détecter cela au moins une fois ? Mais alors… pourquoi ne pas offrir à notre bébé la possibilité de faire dans un petit pot, aux toilettes ou encore au lavabo ? Et ainsi s’épargner le change et le nettoyage ? Avec des vêtements adaptés, comme des jambières par exemple, c’est la plupart du temps bien plus rapide.

En pratique

On peut commencer l’HNI dès la naissance, ou dès qu’on le souhaite, quand on découvre que « c’est possible ». Il n’est jamais trop tard. L’HNI permet de se défaire des considérations tardives d’apprentissage de la propreté puisque les bébés n’auront pas désappris et n’auront donc pas besoin de réapprendre : seule leur autonomie vis-à-vis de leur besoin grandit : aller seul au pot ou aux toilettes, se laver les fesses soi-même, etc. Plutôt que d’apprendre la rétention (à partir de 18 mois lorsque les enfants sont capables de contrôler leurs sphincters comme on l’entend souvent), ils auront conservé cette capacité à relâcher quand le besoin se fait sentir ou par anticipation.

Pour commencer, il suffit d’observer son bébé : rapidement on détectera et associera des signaux, volontaires ou involontaires, à l’urine ou aux selles qui viennent. Pour cela, il est nécessaire que nous puissions voir ou sentir le moment où bébé urine ou relâche ses selles. Évidemment, le maternage proximal est un allié précieux permettant cette attention. Puisque notre enfant est proche de nous, nous pouvons le sentir gigoter en portage, tendre les jambes, faire de légers mouvements de bassins, redresser la tête. Pendant la tétée, on pourra sûrement observer des pauses, légèrement différentes de celles impliquées par le processus de succion-pause-déglutition qu’on sentira au bout du sein même sans regarder. On pourra constater que notre bébé « écoute » ce qu’il sent, se concentre sur sa sensation, s’observe lui-même et se relâche pour uriner. Avec l’expérience, on observe et constate des récurrences et des régularités : certains timings sont révélés comme par exemple le besoin d’uriner en cours ou fin de tétées ainsi qu’aux réveils. On pourra alors concentrer notre attention à ces moments-là et puis cela deviendra une forme d’automatisme, un peu comme on donne le sein à son bébé dès qu’on sent qu’il en a besoin. L’intuition joue également un rôle important : y penser est probablement le signe que le moment est venu pour votre bébé d’uriner ou d’aller à la selle! Et puis la communication n’est pas unilatérale, elle peut venir du parent et ainsi être renforcée, en émettant soi-même des signaux par exemple : en verbalisant, en associant à l’acte un son ou un geste, que ce soit avant, pendant ou après.

Concernant les menstruations féminines, la démarche d’observation et d’écoute de soi est sensiblement la même. Rapidement, on pourra par exemple observer que nous saignons toutes les deux heures le ou les deux premiers jours puis beaucoup moins ; qu’on a besoin de saigner aux réveils, voire peut-être une fois la ou les deux premières nuits. On observera que, parfois, alors qu’on croit qu’on est en train de saigner, c’est en fait une sensation interne et qu’il est juste tant d’aller se soulager, un peu de la même manière que, lorsque qu’on porte un bébé au dos en écharpe, une sensation de chaud peut nous faire penser que notre enfant a uriné, alors qu’en fait c’est simplement le signe qu’il est temps de le descendre pour lui proposer de se soulager.

Anticipation

Parce qu’on prend conscience que l’HNI et Le FLI ne consistent qu’à (s’)écouter et relâcher au moment opportun, il est possible d’anticiper la venue de l’urine, des selles et du sang. Avant de prendre la voiture ou le train, avant d’entrer en réunion ou en grande conversation, il suffit d’aller se relâcher. Il s’agit du fameux « pipi caché » : celui qu’on ne sait pas qu’on a envie de faire, mais qui vient malgré tout lorsqu’on va aux toilettes. Cela fonctionne de la même manière avec le sang menstruel. Si vous venez d’y aller, alors peut-être que rien ne viendra, mais la plupart du temps le relâcher permet d’évacuer et de se sentir sereine de ne pas devoir interrompre l’activité qui suit.

Concernant la sérénité, je reste persuadée que l’HNI ou le FLI n’est pas un concours de nombre de pipis/caca « attrapés » ou du décompte du temps sans tache de sang dans la culotte. À quoi bon vivre naturellement ces besoins physiologiques s’ils génèrent stress, irritation voire frustration ? s’ils nuisent à la communication avec bébé ou autrui alors qu’il s’agit plutôt d’en prendre soin ? La reconnexion à soi et aux autres me semble être l’intérêt principal de l’HNI et du FLI, et c’est la raison pour laquelle je soutiens qu’il est possible de pratiquer avec des protections, au cas où bébé urine alors qu’il est sur la moquette des voisins, au cas où le rendez-vous avec le collègue dure plus longtemps que prévu, au cas où on préfère privilégier son activité sociale plutôt que, pour cette fois, répondre immédiatement à son besoin physiologique. En effet, mouiller un lange ou une lingette peut être moins gênant que couper provisoirement la relation en train de se faire avec autrui (ou pas). Considérer la priorité des besoins de son bébé ou des nôtres, prendre soin de lui et de soi peut être satisfaisant pour tout-te-s. À vous de juger ! Do it yourself !

Mélissa Plavis

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